AU NORD DU SILENCE : l’expérience qui m’a transformé en cinéaste
Il y a des voyages qui ne se planifient pas. La vie offre des parcours qui deviennent des pivots. Et puis, il y a ce genre d’aventure où l’on part avec une caméra… et l’on revient avec une âme un peu changée.
Lorsque l’entreprise Nortaq, un entrepreneur de Saint-Joseph-de-Beauce, m’a invité à documenter son engagement dans la construction de bâtiments communautaires dans le Grand Nord québécois, je croyais simplement réaliser une production corporative sans narration. Ce que j’allais vivre allait se révéler beaucoup plus émouvant que je ne l’avais imaginé.
Là où le vent parle plus que les voix humaines
Je suis arrivé à Salluit, un village posé comme un souffle fragile entre les montagnes et l’infini blanc. Quelques jours après, j’allais aussi filmer à George River, mais c’est à Salluit que le cœur du projet s’est installé.
Le vent ne s’arrête jamais. Il griffe le sol, mord les joues, parle aux arbres absents. Et dans ce paysage nordique, l’hiver ne se manifeste pas selon une date prévisible, mais selon sa propre volonté. Lors de mon arrivée, bien que le calendrier n’indiquait pas encore officiellement l’hiver, son empreinte était déjà là. Chaque image devenait une lutte contre l’effacement. La neige tombait comme un rideau constant. Le soleil, absent. Le contraste que je cherche dans mes plans, dans la profondeur des ombres et la richesse des lumières, se dissolvait dans une blancheur omniprésente.
Mais c’est justement là, dans cette contrainte, que ma vision a changé.
Capturer l’invisible
Il n’y avait pas de narration. Aucun mot à recueillir. Seulement des gestes, des regards, des outils qui résonnent sur des structures. J’ai dû écouter avec mes yeux. Me fier à l’intuition, à la musique que j’avais choisie en amont, à cette pulsation intérieure qui me guide dans mes tournages.
Chaque plan devait raconter une histoire sans voix, seulement portée par le souffle du Nord et la chaleur humaine entre collègues devenus une famille temporaire. Le soir, les repas entre les travailleurs devenaient des rituels. Une fraternité silencieuse qui tranchait avec la rudesse du climat.
Être témoin
Mon rôle n’était pas seulement de filmer. J’étais là comme un témoin invisible, une présence discrète qui capte sans déranger, qui comprend sans questionner. Les entretiens que j’ai eus avec les cadres et les ouvriers de Nortaq m’ont permis de mieux comprendre l’importance de leur travail : construire, dans des conditions difficiles, avec rigueur, expertise et un profond sens de la mission, pour offrir des espaces essentiels à la vie communautaire des populations nordiques.
Ils m’ont parlé de quiétude, de fierté, d’engagement. Et ces mots, je les ai transformés en images.
Le retour
Le Nord m’a appris que parfois, les images les plus puissantes naissent du silence et de l’absence.
J’ai capté des âmes, des gestes, du vent, et un peu de moi-même.
Quand je suis revenu du Nord, je n’étais plus tout à fait le même. C’est là-bas que je suis devenu cinéaste. Pas parce que j’avais changé de caméra ou de technique, mais parce que mon regard avait changé. Le silence du Nord avait creusé en moi un espace neuf, une profondeur. J’étais passé du simple capteur d’images au créateur d’histoires sensibles.
Ce voyage m’a appris à filmer avec le cœur. À ralentir. À écouter. À honorer la beauté qui se dissimule dans les contraintes.
Et vous, quelle est l’histoire que vous n’avez pas encore racontée ?
Voici le film que j’ai réalisé pour Nortaq. Une ode à la résilience, à la collaboration, et à la puissance tranquille de ceux qui bâtissent au bout du monde.
Si ce genre de récit vous interpelle… parlons-en.
L’art de capturer l’invisible, c’est aussi l’art de se laisser transformer par ce que l’on filme. ✍️